Bien fixer ses prix : les avantages d’une stratégie tarifaire réfléchie

La création de valeur est l’un des nombreux avantages à pratiquer une stratégie de prix bien pensée et cohérente. Cela passe bien évidemment par une étape de remise en question de sa politique tarifaire, et à considérer avec plus d’attention ses pratiques et méthodes de tarification au coeur même de la stratégie de revenue management.
De façon éclairée, je vais vous présenter les stratégies, les méthodes et les erreurs à éviter en termes de politique de prix pour que vous puissiez en apprendre davantage sur l’art et la manière de bien fixer les prix de vos produits.
L’importance de la politique de prix
Il existe des domaines qui affectent le profit d’une entreprise. Ces domaines peuvent être divisés en trois catégories distinctes :
- les Coûts fixes et variables (qui sont deux conditions essentielles à l’application optimale du revenue management)
- le Volume (incluant la production de produits supplémentaires, les ventes et la publicité)
- les Prix
Dans leur objectif de création de valeur, la plupart des entreprises se concentrent sur les deux premières catégories : la réduction des coûts et l’augmentation du volume de ventes, plutôt que de suivre une stratégie axée sur la tarification (la 3e catégorie).
Malgré l’effet positif que la planification d’une telle stratégie peut avoir sur l’augmentation des profits, de nombreuses entreprises ne sont pas encore prêtes à maîtriser leur politique tarifaire et à adopter les bonnes pratiques en matière de pricing.
Dans le tourisme, la fixation des prix est rythmée par le renouvellement des contrats annuels qui suivent une saisonnalité précise et ordonnée. Généralement, les prix des produits subissent une légère augmentation semblable à l’inflation (environ 3%). Enfin, des prises de décisions spontanées basées sur l’actualisation des prix des concurrents interviennent au fil de la saison. En clair : mettre à jour la stratégie de prix est une véritable corvée pour ces entreprises !
Mais selon de nombreux experts en marketing, l’amélioration de la rentabilité d’une activité par la mise en oeuvre d’une stratégie de tarification bien pensée est réellement sous-estimée par les professionnels (du tourisme).
Des recherches émanant du cabinet de conseil Simon-Kucher & Partners suggèrent que les entreprises qui mettent l’accent sur la gestion des prix (pricing management) ont tendance à être beaucoup plus rentables que les entreprises qui s’appuient simplement sur une gestion des coûts ou du volume.
Par exemple, les entreprises qui jouent un rôle actif dans l’élaboration de leur stratégie de tarification sont 30% plus susceptibles à s’attendre à une croissance de leur EBITDA sur les trois prochaines années. Qui dit mieux ?
Comment sont fixés les prix de vos produits ?
Pour avoir une meilleur idée de ce qui se cache derrière une stratégie de prix et juger de son efficacité, il y a deux questions essentielles à se poser :
- Demandez-vous ce que vous facturez réellement à vos clients ? Beaucoup d’entreprises ne sont pas conscientes du pourquoi du comment des prix qu’elles facturent. Ces prix peuvent être déterminés par les coûts engagés à l’exploitation et la distribution du produit, ou bien tout simplement par les prix pratiqués par la concurrence. Les réponses à cette question est importante pour la suite de notre analyse.
- Demandez-vous quels sont les avantages concédés à vos clients par rapport au prix facturé ? Dans de nombreux cas, il n’existe pas de relation claire entre le prix facturé par l’entreprise et la valeur du produit que le client achète. Le prix est bien trop souvent lié aux coûts engagés par l’entreprise pour vendre son produit (les coûts fixes et variables) ou alors la fixation des prix tient seulement compte des prix affichés par la concurrence.
Votre produit n’est pas une marchandise comme les autres
Les entreprises sous-estiment l’effet qu’elles ont sur la perception des clients de leurs produits. En mettant l’accent sur l’accessibilité, et en présentant leur produit comme un produit parfaitement substituable, les entreprises habituent les clients à penser de la même façon.
À l’inverse, les entreprises qui mettent l’accent sur les avantages distinctifs de leur produit modifient la façon de penser des clients et la perception qu’ils ont du produit. Par exemple, la chaîne de cafés américaine Starbucks a construit un empire sur le café qui est évidemment un produit substituable.
Dans le secteur hôtelier, lisez avec attention la description des chambres des hôtels ciblant la clientèle Millennials. Au citizenM, la chambre est équipée d’une douche tropicale haute pression et de meubles design Vitra tandis qu’au Mama Shelter vous réservez une chambre qui est faite pour vous !
Le cas du fabricant de bâtons de dynamite
Les entreprises se doivent de facturer selon la valeur de leur produit, et c’est ce qui a marché pour un fabricant de bâtons de dynamite australien. Depuis toujours, ce fabricant facturait ses clients au prix du bâton de dynamite car il considérait son produit comme une marchandise substituable.
Après quelques années d’activité, un concurrent est apparu sur le marché et est rentré en guerre des prix dès son arrivée. Par une stratégie de pénétration par les prix, le nouvel entrant vendait son bâton de dynamite deux fois moins cher que le prix du marché.
La compagnie australienne a vu ses bénéfices fondre comme neige au soleil, et a décidé de réviser sa politique de prix.
L’entreprise a décidé de changer son modèle de facturation. Au lieu de faire payer les clients un coût unitaire par bâton de dynamite, ils allaient facturer chaque bâton en fonction de l’efficacité du type de dynamite vendu. De cette façon, la société a engagé un processus d’alignement des prix selon la valeur du produit proposé aux clients.
Simultanément, cette politique de tarification a permis d’éduquer les clients sur leur perception du bâton de dynamite et sur les caractéristiques principales sur lesquelles ils doivent se concentrer avant de passer à l’acte d’achat.
En suivant cet exemple, les entreprises devraient considérer les avantages des produits qu’elles fournissent à leurs clients, et comment elles peuvent aligner leur politique de prix avec la définition de cette nouvelle valeur. En bref : votre produit procure un bénéfice payant à vos clients.
Baisser les prix n’est pas une solution envisageable
Pratiquer à outrance des baisses de prix peut sembler être un bon moyen d’augmenter ses ventes, mais cette pratique révèle aussi de graves inconvénients.
Dans 9 cas sur 10, les entreprises sous-estiment fortement le gain en volume nécessaire pour compenser une décision de baisse de prix.
Prenons l’exemple d’un hôtel.
Vous vendez en moyenne 20 chambres par jour à 90€ la nuit. Vous prenez la décision de baisser le prix de 20% soit un nouveau prix de vente fixé à 72€. Vous avez réussi à vendre 25 chambres, soit 5 chambres de plus que le scénario initial. Avez-vous réellement gagné de l’argent dans ce cas ? La réponse est non.
Ce pari est risqué pour les entreprises qui ont pris cette mauvaise habitude de baisser les prix, en raison de la difficulté à inverser la tendance. Gardez bien à l’esprit que : 5 minutes suffisent pour prendre la décision de casser les prix. 5 ans sont nécessaires à les remettre à niveau. Vous avez changé d’avis ?
Baisser les prix est aussi très addictif : pour garder les effets de la drogue, les toxicomanes doivent continuellement augmenter les doses qu’ils consomment. Ça vous parle ?
De la même manière, les entreprises commencent souvent à offrir des remises parce qu’elles enregistrent immédiatement une augmentation des ventes (à court terme). Toutefois, afin de recueillir le même nombre de ventes dans le futur, les entreprises se doivent de suivre cette logique en accordant des réductions de plus en plus importantes à leurs clients. C’est ce qu’on appelle un cercle vicieux.
En perpétuant les baisses de prix tout au long de l’année, les clients s’attendent à ce que l’entreprise poursuit à accorder encore et toujours plus de réduction à l’avenir. Les clients s’habituent aux offres et aux promotions. Ils n’auront plus aucun intérêt à payer le prix fort s’ils ont conscience que dans quelques semaines, les prix vont à nouveau baisser.
Enfin la baisse de prix peut être contagieuse. Les clients seront en droit d’attendre des réductions sur d’autres produits similaires d’une même entreprise, ainsi que des réductions sur des produits similaires d’entreprises concurrentes.
De cette façon, la guerre des prix peut contaminer l’ensemble du marché, ou même une industrie toute entière.
Plutôt que de proposer de vendre des rabais et ristournes, les entreprises sont invitées à vendre un bénéfice. Se concentrer sur la Promesse (en marketing) permet de déterminer la place qu’une marque occupe dans l’esprit des consommateurs au sein de son marché (le positionnement), et quels sont les bénéfices attendus du produit.
La promesse est unique : par exemple une lessive ne peut pas promettre à la fois de laver plus blanc et de raviver les couleurs des vêtements, sinon le consommateur sera inquiet et méfiant envers la marque.
La menace de la guerre des prix
Pour décourager son marché concurrentiel d’entrer en guerre des prix, il est nécessaire d’utiliser une menace crédible, composée de trois éléments :
- Raisonner son concurrent de ne pas appliquer une baisse de prix. Pour cela, il faut placer son entreprise dans une politique de prix du marché. C’est-à-dire qu’il faut menacer sa concurrence de toujours pratiquer le prix du marché en alignant ses prix. Cette stratégie supprime l’incitation concurrentielle de réduction des prix.
- La menace doit être clairement préalablement communiquée, afin d’avoir un moyen clair de dissuasion.
- Plus important encore, la menace doit être crédible et mise en oeuvre si nécessaire.
Utiliser le levier promotionnel à bon escient
Les offres promotionnelles comportent de nombreux risques mais elles s’avèrent indispensables. L’action promotionnelle doit être abordée dans un objectif de maximisation de son efficacité tout en évitant ses pièges.
- Fixer des objectifs clairs et s’y tenir : il faut s’assurer que les promotions soient contrôlées grâce à la création d’objectifs clairs. Une fois que les objectifs sont définis et atteints, la promotion doit prendre fin.
- Définir son public cible : les actions promotionnelles peuvent être utilisées pour attirer un nouveau type de clientèle qui permet d’apporter de nouvelles sources de revenus.
- Demander quelque chose en retour : bien garder à l’esprit qu’il ne faut jamais offrir une réduction sans jamais demander quelque chose en retour. Le levier promotionnel permet à l’entreprise de recevoir des clients une chose qui va aider l’entreprise. Cela peut se matérialiser par un prépaiement, un commentaire client, ou la récupération des informations du nouveau public cible (base de données).
- Mesurer l’impact de la promotion : comptabiliser le nombre de ventes avant et après l’action promotionnelle ne s’avère pas assez juste, car cette tâche ne tient pas compte des autres facteurs qui ont pu influencer les ventes. Pour améliorer la précision des mesures de performance, il est impératif de sélectionner un groupe comparatif d’individus qui n’a pas accès à cette promotion. On peut également faire bénéficier des avantages promotionnels à un groupe d’individus au hasard et utiliser les clients qui n’ont pas reçu la promotion comme groupe de référence (en marketing, c’est ce qu’on appelle la technique du test A/B).
- Mesurer la force de votre marque : pour ce faire, il suffit de mesurer le nombre de ventes réalisées au plein tarif et celles enregistrées au tarif discounté. La proportion de personnes qui achètent au prix fort indique la force de votre marque.
Éduquer son marché
Il est important pour les entreprises de (re)prendre le leadership dans l’éducation de leur marché sur les méthodes efficaces en termes de stratégies de politique de prix.
Les entreprises ont beaucoup à apprendre les unes des autres sur les bonnes pratiques à adopter dans la création et la mise en oeuvre de politiques tarifaires efficaces dans un objectif clair de création de valeur et de revenus supplémentaires.
Les acteurs de l’industrie du tourisme et du voyage ont beaucoup à gagner en réexaminant leur stratégie de prix. Pablo Picasso disait que « les bons artistes copient, les grands artistes volent ». Il ne reste plus qu’à passer à l’action.
Lire la suite : Élasticité-prix de la demande : définition, calcul et interprétation