Hôtels : comment bien maîtriser les techniques de surréservation

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Tout le secteur hôtelier est familier avec l’effroyable technique du surbooking utilisée en revenue management pour compenser le nombre d’annulation et de no-show. Toute l’industrie est effrayée à la prononciation de ce simple mot : overbooking.

En d’autres termes, si vous estimez enregistrer 2 annulations et 1 no-show pour une date donnée, vous devez engendrer un surbooking de 3 chambres. C’est le comportement à adopter pour maximiser de manière optimale les revenus de votre hôtel. Vu sous cet angle théorique, c’est assez simple non ?

Néanmoins, les hôtels qui pratiquent la surréservation se comptent sur les doigts d’une seule main. Je vois encore beaucoup de personnels en réception paniquer et fermer tous les canaux de distribution avant même que leur établissement n’atteigne le seuil symbolique des 100% d’occupation. Vendre chaque jour la totalité des chambres devient une malédiction.

Dans la plupart des cas, cette décision de panique est dictée par la crainte de faire face à la colère redoutable des clients : « J’ai réservé une chambre dans votre hôtel donc vous avez l’obligation de l’honorer ! »

Toutefois, mettre en oeuvre de bonnes pratiques de surréservation permet de minimiser le risque de délogement tout en conduisant à une augmentation significative des revenus et profits de l’hôtel. L’expérience et les connaissances en revenue management ne sont pas essentielles pour être en mesure d’atteindre cet objectif.

Le but de cet article est de démystifier la notion de surbooking dans les hôtels, et à rendre compte et partager les techniques et bonnes pratiques de surbooking.

Le surbooking est encore une politique trop souvent sous-estimée. Elle n’est pas aussi terrible qu’elle puisse paraître et conduit principalement à l’augmentation des revenus de l’hôtel.

Les 2 techniques de surréservation

Les équipes de la réservation gardent toujours à l’esprit l’image effrayante du client mécontent qui arrive à la réception et tape du poing sur la table parce que sa chambre est en réalité une surréservation.

Ces mêmes équipes sont aussi très souvent en désaccord avec la politique de surbooking de leur établissement. L’erreur la plus rencontrée est celle de choisir le mauvais moment pour pratiquer la surréservation. En effet, la pratique du surbooking est conçue pour compenser le nombre d’annulation et de no-show.

La différence entre ces deux occurrences s’explique par le choix du bon timing.

Définissons ensemble les termes d’annulation et de no-show :

  • Les annulations peuvent survenir à tout moment, de la date de réservation à la date limite d’annulation sans frais
  • Les no-shows sont toujours enregistrés le jour-même, soit le jour supposé de l’arrivée du client

Avec ces définitions, nous pouvons faire ressortir deux techniques de surréservation : d’une part celle en termes d’annulation, et d’autre part celle en termes de no-show.

Overbooking : tout est une question de timing

Exemple 1

Planifions une stratégie de surbooking pour l’événement de la fête du Lac d’Annecy (soit le premier samedi du mois d’août).

Après avoir étudié le rapport de performance de l’événement l’an dernier, il en ressort que au total, il y a eu 15 annulations. On parle bien ici du nombre final d’annulation mais le rapport ne décrit pas à quel moment ces annulations sont intervenues au fil du temps.

Si cet exercice est réalisé 3 jours avant l’arrivée et qu’on autorise la vente de 15 chambres supplémentaires en surcapacité, les chances de devoir dresser des tentes Quechua dans le jardin de l’hôtel pour faire dormir ces nouveaux clients sont grandes.

Et cette situation est uniquement la conséquence de la non connaissance des dates d’annulation.

Pour éviter cet incident, voici la clé : il ne suffit pas de calculer le nombre total de chambre à vendre en surcapacité. Il faut construire une courbe décrivant le nombre prévu d’annulation potentielle jour par jour jusqu’à la date de l’événement.

La construction d’une telle courbe peut être réalisée sur un tableau Excel comme ceci :

tableau-prevision-annulation

Ainsi dans cet exemple, si le nombre de surréservation est égal à 5 au moins 10 jours avant l’arrivée, il n’y a aucune inquiétude à avoir. Toutefois si on s’intéresse au niveau d’occupation 2 jours avant l’arrivée, on peut autoriser au maximum 1 surréservation.

Voici un autre conseil : lorsque l’on anticipe les annulations, dans l’objectif de maximiser le revenu à son plus haut niveau, la survente doit intervenir lorsque la demande est à son plus haut niveau (pic de la demande). Cela permet de s’assurer de deux choses :

  • Ces chambres sont vendues au tarif le plus élevé
  • Dans certains cas, ces annulations seront enregistrées dans une période de temps très lointaine

Que signifie pic de la demande ?

La demande du marché peut être représentée par une courbe spécifique à chaque date de l’année. La courbe de demande de la fête du Lac d’Annecy peut être reconstituée en exportant l’ensemble des réservations enregistrées pour l’événement jour par jour, sur une période de 365 jours (on part du principe que les ventes d’un événement sont ouvertes au maximum un an à l’avance).

La courbe de demande d’un événement peut ressembler à ça :

courbe-demande

Deux pics de démarquent sur la courbe de demande ci-dessus : le premier à 140 jours avant l’arrivée et le second quelques jours avant l’événement.

Il est également important d’avoir conscience de l’élasticité-prix du marché : elle n’est pas constante et elle peut être également représentée par une courbe.

Pour cet événement, le pic de l’élasticité-prix croise le premier pic de la demande (140 jours avant l’arrivée) puis diminue.

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Donc peu importe que le second pic de la courbe de demande soit plus élevé que le premier : les réservations les plus rentables (enregistrées au tarif le plus cher) pour cet événement sont captées sur une fenêtre de 3 à 4 mois. C’est à ce moment précis que la plus grande partie des réservations doivent être prises pour maximiser les profits de l’hôtel.

Si la stratégie de prix a été planifiée correctement, il est peu probable de se retrouver dans une situation où le taux d’occupation soit proche du complet bien longtemps à l’avance.

Toutefois ce type de situation peut se produire lorsque la demande du marché dépasse largement l’offre et que le plafond du tarif BAR le plus élevé est atteint sans que l’on puisse augmenter davantage les tarifs.

La situation représentée est utilisée à titre d’exemple.

Dans d’autres cas de période événementielle, le pic de la demande peut intervenir entre 7 et 5 jours avant l’arrivée. Ou peut-être même le Jour J. Ou encore jusqu’à un an à l’avance.

Notons que chaque hôtel possède sa propre structure de demande qu’il est nécessaire d’analyser pour prendre les bonnes décisions.

Dans tous les cas, la règle à applique est d’autoriser les surréservations lorsque la courbe de demande atteint son pic pour maximiser les revenus. Ainsi les réservations opaques avec 40% de réduction (qui arrivent à se glisser dans la rooming list finale) sont transformées en réservation à forte contribution du canal direct.

Exemple 2

Vous trouverez ci-dessous un extrait d’un rapport qui décrit le rythme des réservations d’une date événement.

  • Le premier scénario montre une aversion à la pratique de la surréservation
  • Le second scénario comprend et utilise à bon escient la pratique de la surréservation

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Analyse du scénario 1

Le tableau montre qu’à partir de 11 à 9 jours avant l’arrivée, la courbe de demande et le prix de vente chutent. Dans le scénario 1, les ventes sont totalement fermées pendant 3 jours pour éviter le surbooking de l’hôtel.

La fermeture des ventes entraîne un total de 10 refus de vente qui aurait pu être enregistrés comme des surréservation à un tarif premium.

Quand la demande du marché commence à diminuer car l’offre et la demande tend à s’équilibrer, le rythme des réservations ralentit et les annulations commencent à s’accentuer.

Dans le cas du scénario 1, on est obligé de répondre au ralentissement du rythme de la demande en baissant les prix, pour éviter de se retrouver avec un excédent de chambres à vendre.

Le jour-même, l’hôtel tend à réaliser une occupation de 100% mais c’est sans compter les 3 no-shows non prévus. En conséquence, l’hôtel se retrouve avec 3 chambres à vendre.

Il n’est pas nécessaire d’avoir une certification en revenue management pour comprendre que cette stratégie est loin d’être optimale et conduit à une perte importante de revenus. L’hôtel n’a pas terminé complet et en plus à du baisser ses prix en cours de route pour revendre des chambres annulées. Et c’est sans compter les clients mécontents qui ont demandé à bénéficier des nouveaux tarifs à 7 jours alors qu’ils ont été dans les premiers à réserver.

Analyse du scénario 2

Dans ce scénario, l’hôtel na pas fermé ses ventes lorsque la courbe de demande était à son plus haut niveau et un total de 10 chambres ont été acceptées en surréservation dans la fourchette de prix 239-259€ (c’est-à-dire que les refus de vente du premier scénario ont été transformés en réservations réelles) grâce à l’anticipation du nombre d’annulation et de no-show.

Cette stratégie a permis de réaliser un taux d’occupation final de 100% sur cet établissement.

Il faut également noter que les prix ont suivi une trajectoire ascendante. Les tarifs de vente sont supérieurs à ceux du premier scénario lorsque la demande est la plus forte et les refus de vente ont été acceptés car les ventes sont restées ouvertes.

Le prix final de 259€ est maintenu jusqu’au jour de l’événement.

Comparatif des scénarios

Le montant estimé des pertes du scénario 1 comparé au scénario 2 s’élève à 1.750€ (en tenant compte du coût des chambres vides et du prix moyen des dernières chambres vendues). Cette perte de revenus équivaut à un événement d’une durée d’un jour.

Et c’est sans compter les clients mécontents qui se sont aperçus être trompés par des prix plus bas en dernière minute et qui ont demandé un remboursement de la différence.

Pour un événement de 3 jours par exemple, il faut multiplier le montant des pertes par 3 et la perte totale s’élève à 5.250€. Tout ça à cause d’une mauvaise gestion de la politique de surréservation.

Multipliez ce montant total par le nombre d’événements par an qui ont un impact important sur le niveau de la demande et on se retrouve avec une perte nette qui peut aligner jusqu’à 6 chiffres. Cet exemple de calcul est basé sur un établissement de 100 chambres. Les gains et les pertes sont proportionnels à la taille de l’hôtel.

Conclusion

J’ai souhaité vous présenter ces deux exemples pour vous montrer que l’effet d’une politique de surréservation mal orchestrée ou totalement absente, est très largement sous-estimée dans le secteur hôtelier.

Pratiquer l’overbooking au bon moment, c’est-à-dire lorsque la demande a atteint son pic aide les hôteliers à vendre des chambres à un tarif premium et à ne pas laisser d’argent sur la table en anticipant le nombre d’annulation et de no-show.

L’application d’une telle stratégie permet de maximiser les revenus. Les revenus supplémentaires tirés des techniques de surréservation viennent s’inscrire directement sur la ligne de résultat. Et vous éviterez en plus de vivre les récents scandales liés aux pratiques de surbooking de la compagnie américaine United Airlines.

Après la lecture de cet article, la pratique de la surréservation vous fait-elle toujours aussi peur ?

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